Grand Trail des Templiers
- MaxLB
- 1 nov. 2018
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 nov. 2018
Il paraît que toutes les bonnes choses ont une fin, mais moi je ne veux pas que ça s'arrête !
Pour mettre un point d'honneur à ma saison 2018 en Trail j'avais prévu de finir sur une épreuve mythique, une course redoutable mais qui pouvait me permettre de conclure en beauté. J'avoue avoir peur de cette course, mais le courage ne laissera pas mes peurs m'arrêter !

Je sais que j'arrive très fatigué sur Millau, mon corps commence à me le faire sentir. 4 Trails de plus de 40Km, 3 de plus de 60Km ça commence à faire beaucoup mais il me reste un dernier effort pour réaliser mon objectif. J'ai préparé mes temps de passages qui sont plutôt larges vu les dernières sensations à l'entrainement. Temps de course prévu → 14H30

La dernière semaine de préparation fut très compliquée entre stress, maladie, très peu de sommeil (moins de 6h par nuit) et le travail. Je prends la route le vendredi soir après le travail direction l'Aveyron.

Après une halte à l'hôtel pour dormir, avec mon assistante de choc on débarque dans la cité Aveyronnaise vers 12H. Le temps est magnifique, le soleil est au rendez vous comme prévu pour tout le week-end. Pas de répit direction le retrait des dossards enchainer avec une petite balade pour découvrir cette superbe ville. Ici c'est l'effervescence, il y a un monde fou cet événement est incontournable et l'esprit Trail est partout c'est assez impressionnant.

18H direction le logement pour les derniers préparatifs et l'organisation avec ma maman qui une nouvelle fois sera la pour m'assister, un choix logique pour moi car elle me connait par cœur et elle connait déjà mon organisation millimétrée.
Il est 22H tout est prêt direction le lit pour une courte nuit, elle ne durera que 5H.

Dimanche 21 Octobre 3H du matin
Les premières notes de musique résonnent sur mon téléphone, mes yeux s'ouvrent, déjà dans ma bulle mes gestes sont automatiques, tout est planifié, ne rien laisser au hasard tout a un sens. Le petit déjeuné est express on a 45 min pour rejoindre la cité occitane, je fini donc de manger sur la route. Je profite aussi du trajet pour regarder mes messages, faire le plein de motivation et booster le moral.
Dimanche 21 Octobre 5H
Le départ est dans 45 min, direction la ligne de départ ou déjà beaucoup de monde est placé. Je ne veux pas être trop loin, un dernier mot de ma maman et je file rejoindre la troupe. Je suis dans la première moitié du peloton, il fait froid (6°c) j'observe autour de moi les coureurs, la tension est palpable on attend qu'une chose.....cette musique qui lancera notre aventure. Nous sommes plus de 2300 coureurs à vouloir en découdre.

Dimanche 21 Octobre 5H45
Le directeur de course demande le silence, c'est juste impressionnant plus un bruit autour de nous c'est le calme plat, un discours puis c'est le moment. Les premières notes de ERA, Ameno retentissent.
Là si vous êtes une personne normale les frissons vous envahissent, les fumigènes rouge colorent la nuit et le décompte est lancé. Quelques respirations profondent avant de partir et GOOOO !
Dimanche 21 Octobre 6H
On sort de l'air de départ pour prendre une large route goudronnée que l'on suivra sur plus de 3Km. Une grande ligne droite qui permet de bien étirer le peloton, le rythme est assez rapide (Allure 5:15) je me retrouve rapidement dans les 1000 premiers. Puis virage a droite, on attaque la première montée d'environ 4km avec les 2 derniers Km très raides, le spectacle est magnifique avec toutes les frontales qui fendent la nuit tel un serpent qui grimpe c'est géniale. Au final rien de bien méchant pour moi je me sens plutôt bien les jambes ne sont pas si mal.
Dimanche 21 Octobre 7H15
Me voilà arrivé sur une partie qui m'inquiète car très roulante pour moi et j'ai peur de me casser les jambes bêtement, j'essaye de garder le rythme d'entrainement avec une allure autour des 5:30, il y a 15Km à tenir sur un profil plat. Le spectacle est grandiose avec un levé du soleil sur le causse noir et les gorges du Tarnes, la descente vers le premier ravitaillement à partir du Km 19 avec une première monotrace qui m'amène quelques bouchons, c'est glissant et certains préfèrent marcher pour pas risquer la blessure des le début.
Dimanche 21 Octobre 8H30
Arrivée au premier ravitaillement Km 22 pour seulement 763m de dénivelé positif (On est en normandie?), sans trop de difficultés, les sensations sont pas mal. J'arrive pile a l'heure prévu sur mon planning. Il y a un monde fou c'est top cette ambiance, je prends une dizaine de minutes pour manger, discuter et profiter de l'effervescence avant de repartir en sachant que la suite allait surement être plus agréable pour moi car on attaquait le début du D+ ou je suis plus a l'aise. Le rendez vous est donné dans 2h au prochain ravitaillement.
Dimanche 21 Octobre 8H50
Avant d'arriver aux pieds de la deuxième montée de la journée encore un faut plat montant qui commence a me faire sentir les premières douleurs au bas du ventre. Je m'affole pas je ralentis, je marche un peu jusqu'au début de la montée en espérant que la douleur s'estompe le temps de cette dernière et qu'avec le soleil retrouvé en haut, les sensations reviennent. Je négocie pas trop mal la montée mais je sens les douleurs de plus en plus persistantes, en haut il faut tout de suite relancer la foulée sur des chemins très sympas. Mais pour moi c'est le début du calvaire. Chaque foulée c'est un couteau qu'on me plante dans le ventre courir devient horrible, je suis obligé de marcher pour atténuer la douleur.
Dimanche 21 Octobre 10H40
Je rejoins le deuxième ravitaillement, je suis au plus mal même la foule encore extrêmement nombreuse n'arrive pas à me faire oublier la douleur. Niveau horaire je suis encore pile dans les temps de passage que j'avais prévu (extraordinaire vu mon état). Je m'effondre complètement par terre le moral dans les chaussettes, je commence a parler d'abandon à être négatif sur ma course.....je souffre. Je me force à m'alimenter même si j'ai envie de rien, dans des moments comme ça il faut se forcer ! Je dois repartir, c'est très dur, pourtant beaucoup d'encouragement. Sur 3 ou 4 km en faux plat descendant j'essaye tant bien que mal de courir de me faire violence pour avancer.
Je dois courir avec ma tête, courir même si mon corps dit Stop
Dimanche 21 Octobre 11H
Sans vraiment le savoir j'attaque la partie la plus jolie du parcours au dessus des gorges de la Dourbie. Le spectacle est fabuleux, devant mes yeux une mer de nuages coincée entre les montagnes. J'ai les yeux remplis d'étoiles, le soleil me réchauffe le plaisir revient malgré les douleurs. J'empreinte le petit sentier qui descend vers le château de Montméjean, le spectacle est toujours aussi splendide, et un moment unique va se produire.
Alors que je progresse dans les ruines du château je tourne sur la droite, descend quelques marches les yeux sur mes pieds, puis je lève la tête pour voir devant moi posé au sol contre un petit muret, un morceau de carton avec un message qui va me retourner. Sur cette affiche marron était écrit ….. BRAVO PAPA.
Je n'ai pas résisté, les larmes ont coulé, même si le message ne m'était pas destiné dans les moments difficiles on se raccroche aux choses simples. Une émotion décuplée par l'effort, la solitude et la douleur. Même si les larmes sont tombées, je suis reboosté et je peux reprendre une foulée dynamique, on oublie la douleur pour lui ! J'atteins le causse noir sur un bon rythme, j'ai très bien négocié cette montée et la récompense est la avec une vue sur le viaduc de Millau qui ressort juste au dessus des nuages c'est juste magique et tellement effrayant de se dire qu'il faut encore aller jusque la-bas pour arriver.
Le passage sous le rocher de Roquesaltes, lieu mythique de la course, c'est le point de départ de la longue descente vers le point d'eau de la Roque Ste Marguerite. Il me reste une dernière montée pour retrouver mon assistante au ravitaillement 3 de Pierrefiche.
Dimanche 21 Octobre 13H24
J'arrive encore dans mes temps, surement grâce aux messages de mes plus fidèles supporters, qui savent trouver les mots pour me donner la force. Le temps n'est plus qu'un détail pour moi, vu la souffrance je n'espère qu'une chose : passer la ligne à n'importe qu'elle heure. Je profite du soleil je me restaure bien avec sandwich, gâteaux, fruits et j'en profite pour changer mes chaussettes et remettre de la crème pour attaquer une portion que je redoute, très longue (plus de 20Km) avant de retrouver le prochain ravitaillement et surtout avec des montées redoutables.
Dimanche 21 Octobre 14H
J'ai repris les chemins les douleurs sont toujours là, je me suis fait une raison, je vais devoir les emmener avec moi le plus loin possible. J'avance mais je ne sais pas comment, je ne suis plus moi-même tout est différent, mes yeux se ferment, je dors en marchant je me sens vide, plus rien, des vertiges me font trébucher, je me réveille, il faut reprendre mes esprits mais mes yeux continuent de se fermer. Pendant 10 Km je lute contre la fatigue, l'épuisement et la douleur, mon état m'inquiète, dans ma tête l'abandon est là, je suis obligé de m'arrêter pour reprendre mes esprits. Je ne suis pas le seul dans un état compliqué, devant moi un coureur s'effondre de fatigue, assis sur le coté il a le regard vide, complètement épuisé il ne voit même plus les autres. Interdiction de faire la même chose, aller on se reprend et on serre les dents il faut atteindre le dernier ravito pour faire le point. J'arrive au dernier Point d'eau de Massebiau, qui est aussi la dernière barrière horaire, avec 30 min de retard sur mes prévisions mais avec 45 min sur l'horaire fatidique. Je prends bien le temps de boire et remplir mes flasks je sais que la montée du Cade est fatale à de nombreux coureurs.
Un coureur, même avec des jambes de feu, n'est rien s'il n'a pas un mental à toutes épreuves
Dimanche 21 Octobre 17H40
A peine sortie de l'air de repos que déjà on est mis dans le bain, c'est raide les pourcentages sont très élevés. Je prends le temps, je suis toujours au bord de la rupture il faut être solide, le soleil nous chauffe les trailers se rangent les uns après les autres pour reprendre leur souffle ou pour les plus touché, vomir !! L'effort est extrêmement dur après plus de 65Km cette montée ne vous pardonne rien, elle est infinissable, le courage fait la différence. Il me faut 1H pour atteindre le dernier ravitaillement ou j'arrive dans un état catastrophique.
Dimanche 21 Octobre 18H40
Elle est là devant moi, ma maman ! A mes yeux elle voit tout de suite que ça va pas du tout, pas besoin de mots. Je traverse le ravitaillement, j'en profite pour prendre une petite soupe chaude. Je la rejoins et je m'écroule à bout de force je veux dormir je suis livide. Notre discussion est sur la suite à donner à ma course : je continue mais risqué vu mon état ou j'abandonne. Il me reste 8Km avec une montée surement aussi dur que la dernière. Après une longue réflexion je pense à tous les messages que j'ai reçu avant la course et pendant, à toutes les personnes qui croient en moi et je me dis que je ne peux pas abandonner c'est pas possible. Puis une phrase que mon maitre Yoda m’a toujours répété, me traverse l'esprit « La douleur est temporaire mais l'abandon définitif » je dois finir, je décide donc de repartir !
Je veux que cette douleur me rende plus fort, je ne veux pas la laisser me dominer !
Dimanche 21 Octobre 19H
Je suis reparti en marchant, je ne peux toujours pas courir. Sur un gros rythme de marche j'attaque la descente, la frontale repositionnée. Une portion pas évidente, glissante je me rattrape comme je peux pour éviter de me retrouver au sol mais énormément de chute devant moi. Je suis dans un petit groupe de 6 ou 7 coureurs, je sens mes jambes en meilleurs forme mais je préfère rester dans le groupe pour amorcer la dernière grosse difficulté pour des questions de sécurité. Je savais que cette dernière était très très compliquée, qu'il fallait grimper à l'aide des mains dans certains secteurs. La montée du Puncho D'Agast est périlleuse surtout de nuit avec plus de 14H d'efforts. La vue sur Millau de nuit est magique, le viaduc clignote dans le fond, mais il faut rester concentré pour éviter le drame et la chute plusieurs mètres en dessous. Dans le noir on a du mal à voir le bout, quelques nausées quand l'effort est brutal mais j'arrive a me glisser au sommet. Voila il reste 3 km d'une descente glissante, ou la prudence est de mise. Le passage dans le dernier vestige de la course la grotte du Hibou, est grandiose mais je ne m'attarde pas je veux abréger mes souffrances. 2Km avant de réaliser mon objectif. Guidé par le bruit de l'arrivée, oui elle est là juste en dessous, il faut encore un dernier effort. Je finis le dernier Km avec Eric catégorie V2 donc plus de 50ans, tous les deux on monte les dernières marches pour atteindre la ligne, je n'arrive pas à le doubler je veux qu'il finisse devant moi par respect. Voila l'arche d'arrivée je peux la franchir et retrouver mon assistante qui m'attendait, il est 21H23.
Dimanche 21 Octobre 21H30
Je suis dans l'air d'arrivée, toutes les émotions ressortent, le film de la course retraverse mon esprit, je repense aux mauvais moments mais surtout au bons moments qui m'ont amené jusque là !
Je m'écroule je viens de réaliser mon objectif, finir cette saison sans rater une seule course, pas d'abandon sur cette première saison. Je récupère cette médaille et cette veste de finisher, oui oui j'ai fini à force de courage et grâce à un mental à toutes épreuves.
15H34 de Course
1755ème au scratch (2034 Finishers)
726ème Sénior
298 Abandons
Merci Les Templiers
Cette course n'est pas une référence de la scène trail française pour rien. Une épreuve mythique qui se mérite et qui restera pour longtemps avec cette étiquette sur la tête. Franchir la ligne c'est devenir un nouveau Trailer, c'est apprendre, c'est grandir, c'est vivre !
Merci tu m’as fait plier, tu m’as surpris, tu m’as renversé mais je me suis toujours relevé et j'ai fini par te VAINCRE !
Tu veux faire cette course vas y fonce ! Mais attention sois prêt, tu as un pistolet braqué sur la tempe toute la course et la moindre erreur tu prends une balle pleine tête. Sois Fort, sois courageux et tu réussiras cette épreuve très exigeante par la diversité du parcours.
VENI, VIDI, VICI

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